Violette Leduc est une exception, une marginale du XXème siècle. Comme Tsvétaïeva, elle survit aux guerres mondiales grâce à la générosité de ses admirateurs et admiratrices : Simone de Beauvoir, Nathalie Sarraute, Jean Genet. Marquée par sa naissance bâtarde et illégitime, c’est aussi l’une des rares plumes que Gallimard a censurées : le début de son roman Thérèse et Isabelle (1954) décrit une romance homosexuelle qui n’était pas du goût de la maison d’édition à l’époque.
La Femme au petit renard (1965) décrit une autre marginale : une miséreuse hallucinée, pleine de souvenirs de bonheur, qui erre dans Paris et son Métropolitain, nouant petit à petit une relation intime et touchante avec une fourrure de renard, exhumée dans la poubelle d’une triperie. Paris y est décrit avec un sens du détail et du symbole immenses. Chaque phrase de la clocharde narratrice est mémorable : « La soumission ce n’est pas l’oubli. Le voici, ponctuel comme la demi-heure d’une horloge, le morceau de sucre humecté de rhum qui se balance au bout d’une ficelle… Toc toc sur ses joues, c’est lui ; toc toc sur son front, c’est encore lui. Ne serait-ce qu’un demi-morceau de sucre… Il y a des moments où elle n’a plus de salive pour se souvenir. Vieux rose étaient les sorbets de ses parents. Le quart d’un morceau de sucre… Pourquoi n’est-elle pas un toutou ? Voici ma patte, voici ma langue, voici mes yeux, voici le langage de mes yeux, voici mon silence affolant. Non, il n’y a pas preneur. (…) Mourir ne serait pas une mauvaise opération » (p. 50-52).
Le récit est très court et tragique. La femme tente de vendre sa seule richesse, cette peau de renard, mais ses remords (elle se compare à Judas) la font renoncer au dernier moment. L’écriture de Violette Leduc est une marge du courant de conscience, où le fil des pensées est toujours à deux doigts d’être cassé et impossible à suivre. L’équilibre du style est aussi délicat que la survie de l’héroïne.
Allez voir surtout, à propos de Violette Leduc, le blog de Voltayrine qui en parle mieux que moi, et le site consacré à l’actualité critique de cette écrivaine. La Femme au petit renard fait l’objet d’une page de « LCL », je veux dire La Cause Littéraire.
J’en ai entendu parler mais sans plus, ce que tu dis sur elle m’intrigue beaucoup, je note son nom, ce serait dommage de passer à côté.
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Je pense que oui, c’est une plume majeure du XXème siècle, injustement ignorée, que j’estime autant, par exemple, qu’un Claude Simon.
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Ce titre me dit aussi quelque chose. En tout cas je note car je suis du même envie que latournéedelivres, dommage de passer à côté! Passe une belle journée!
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De même =)
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Une belle découverte, merci beaucoup pour le partage 🙂
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De rien, c’est le genre d’autrices qu’il faudrait étudier à l’école plutôt que toujours les Mémoires de De Gaulle !
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Oh, je ne savais pas que c’était elle qui avait écrit Thérèse et Isabelle, dont j’avais vaguement entendu parler lorsque je faisais des recherches sur la littérature homosexuelle. Du coup, je note, je penche me pencher vers cet ouvrage, et peut-être après sur la Femme au petit renard !
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J’ai lu Thérèse et Isabelle récemment justement ! C’est à la fois très lyrique et très morbide, comme pas mal de la littérature du siècle dernier…
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Merci pour ce petit retour, j’ai noté le titre, je me pencherais pour sûr dessus !
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Your pictures look excellent !!! http://www.detablas.com/author/rockyperkin/
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