[Mise à jour, 07/05/19 : à propos du mot « autrice », n’hésitez pas à écouter l’intervention de la linguiste Maria Candea sur le site de la Médiatrice de Radio France]
La longue histoire du mot « autrice » le rend plus attachant et d’une plus grande force symbolique que le mot « auteure ».
Éliane Viennot (2014) en a retracé les grandes lignes. « Autrice » existe et il est employé continuellement depuis le XVème siècle jusqu’à nos jours. Alors qu’il était assez usité durant toute la Renaissance, les grammairiens de l’époque classique (Boisregard et Vaugelas en particulier) condamnèrent, dans un accès de misogynie linguistique, tous les noms féminins qu’ils considéraient comme impropres. L’Académie française suivant aussitôt leur avis (elle était alors exclusivement masculine), disparurent de la langue d’aussi beaux mots que « autrice », « peintresse », « vainqueresse », « philosophesse » et même… « citoyenne ».
Les femmes qui continuaient à employer « autrice » ne le trouvèrent plus dans les dictionnaires édités par des hommes. Elles en furent vexées. Dans Le Journal des dames en 1762, une lectrice ayant rappelé l’existence du mot autrice, Mme de Beaumer lui répond : « Il semble que les hommes aient voulu nous ravir jusqu’aux noms qui nous sont propres. »
Mais l’Académie a déjà gagné et le mot « autrice » est lentement sorti d’usage, ce qui permet aux virilistes du XIXème siècle comme Sylvain Maréchal d’écrire : « pas plus que la langue française, la raison ne veut qu’une femme soit auteur. »
Ainsi, réintroduire dans l’usage le mot « autrice », ce n’est pas « féminiser la langue », c’est simplement revenir sur sa masculinisation.
Merci pour ce bel article !
Difficile de réintroduire le mot « autrice », en effet. Preuve en est le correcteur orthographique qui le souligne en rouge, ainsi que la mine dégoûtée et méfiante de mes élèves quand il m’arrive de l’utiliser, qui courent ensuite dans les jupes de leur professeur de français pour vérifier mes dires !
Le chemin reste encore bien long…
Un article qui pourrait peut-être vous intéresser, qui m’avait interpelée il y a quelques temps maintenant : http://www.barbieturix.com/2015/06/15/chronique-dune-prof-infiltree-7-ou-sont-les-femmes-les-peurs-des-programmes-de-le-n/
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Oh merci pour cet article, il est tout à fait dans le ton révolté qui est le mien aussi concernant les programmes scolaires !
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Attirée par le titre, j’ai beaucoup apprécié ton article. Je déteste le mot « auteure » qui pour moi massacre la langue française, je lui préfère de loi sa version masculine, même pour désigner une femme. J’ignorais totalement l’existence d’autrice, mais si on se réfère à la règle de grammaire ‘les mots masculins en -teur se féminise en -trice’ c’est tout à fait logique !
Merci de m’avoir appris quelque chose de nouveau 🙂
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« Auteure » a d’autres avantages, le fait d’être homophone du mot « auteur » et donc d’être un mot épicène à l’oral, par exemple. En bref je préfère « autrice » pour les raisons sus-dites mais chacun fait comme elle préfère !
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Épicène à l’oral (tout en violant la langue française), je n’appelle pas cela un avantage… Je soupçonne même que le succès de ce barbarisme, « *auteure », est dû à une forme sournoise de misogynie : « Collons un “e” au mot “auteur” pour que ces casse-pieds de féministes nous fichent la paix ! Au moins, à l’oral on ne l’entendra pas. »
À bas, donc, les auteures ! Vivent les belles et sonores autrices !
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Tout à fait, c’est sûrement en partie vrai! Mais il y a aussi des écrivaines qui préfèrent s’appeler « auteures » : c’est un choix artistique de leur part, très respectable aussi…
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Oh, je n’étais pas sûre que le mot « autrice » se disait, donc j’ai tendance à dire « auteure ». Ca me met un peu le doute, j’ai déjà utilisé ce terme dans mes articles, aha, je ne sais plus si je fais bien de l’utiliser à la place de « autrice »… En tout cas, ça a le mérite de remettre les idées en place, merci pour cet article 🙂
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Je vous en prie ! J’ai beaucoup d’ami-e-s qui préfèrent le mot « auteure » et c’est très bien aussi.
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Bonjour
Je voudrais vous proposer mon premier roman « ad feminam » à chroniquer
Vous pouvez le lire ici:
http://www.monbestseller.com/manuscrit/5894-ad-feminam
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Bonjour ! J’ai deux services de presse en cours en ce moment mais je vous préviendrai dès que l’emploi du temps se sera évidé !
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Super! j’en suis très heureuse.
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« « Autrice » existe et il est employé continuellement depuis le XVème siècle jusqu’à nos jours. Alors qu’il était assez usité durant toute la Renaissance, les grammairiens de l’époque classique (Boisregard et Vaugelas en particulier) condamnèrent, dans un accès de misogynie linguistique, tous les noms féminins qu’ils considéraient comme impropres. » : Ce serait bien de sourcer ce genre d’affirmations qui semblent émises à l’emporte-pièce. Combien d’occurrences de ce mot pour ces siècles ? Quel pourcentage d’utilisation de ce mot par rapport au mot « auteur » pour désigner les femmes de lettres ? En quoi les choix des grammairiens de l’époque étaient-ils nécessairement guidés par la misogynie ?, etc. Le livre de madame Viennot semble reposer plus sur l’idéologie que sur la raison…
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E. Viennot a étudié et raconté l’histoire du mot « autrice » à de multiples reprises dans sa carrière universitaire. Le petit livre que je cite ici, quoique d’une rigueur impeccable, peut être utilement complété par le reste de sa bibliographie et par une conférence qu’elle a donnée à Grenoble l’an dernier : https://youtu.be/-j2wMF8MjRM
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Merci pour cet article éclairant ! Je ne connaissais pas l’histoire du mot effectivement … très révélateur.
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Merci de ton passage!
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Merci pour cet article! J’ignorais l’histoire derrière ce mot… Que j’utilise depuis longtemps parce que je le trouve plus agréable à l’oreille que auteure, mais du coup, je suis encore plus contente de l’utiliser!
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Le mot « auteure » apparaît en 1836 dans Les Lettres parisiennes de la formidable et incroyable Delphine Gay de Girardin (dont le mari est le célèbre journaliste Girardin). Obligée d’écrire sous pseudonyme masculin, le Vicomte de Launay, elle défend la cause des femmes (de lettres). A découvrir, donc.
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Merci de la découverte ! En voilà une qui fait mentir l’opinion de Simone de Beauvoir sur les femmes aristocrates : « leur vaine arrogance, leur radicale incapacité, leur ignorance butée en font les êtres les plus inutiles, les plus nuls qu’ait jamais produit l’espèce humaine » (Le Deuxième Sexe II, 349) !
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