Nancy Huston, Le Club des miracles relatifs (avril 2016)

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On trouve toujours chez Nancy Huston, depuis son premier roman en 1981, l’influence de discours et de traditions féministes. Ce site était donc amené à parler d’elle tôt ou tard.

C’est dans les revues féministes, Sorcières, Les Cahiers du Grif, qu’elle a découvert le plaisir du texte. « J’ai vraiment ressenti la magie de l’écriture en rédigeant mes premiers textes pour des revues liées au mouvement des femmes dans les années 1970-1975. C’est grâce au regard bienveillant des femmes, à leur soutien, à leurs encouragements que j’ai pu accéder à ma dimension d’écrivaine, je crois. »

En apparence, c’est un autre courant de revendications, le discours écologiste, qui se fait entendre cette année sous sa plume. La fiction prend place dans un enfer industriel et minier de science-fiction où l’on a reconnu la région d’Athabasca, dans la province d’Alberta, à l’ouest du Canada. Cela fait des années que l’autrice, native de cette région, dénonce la pollution insensée produite avec l’extraction des sables bitumineux.

Mais défendre la nature est encore pour Nancy Huston un combat féministe. On le comprend lorsqu’à la fin du roman le héros, emprisonné, interrogé, torturé, entend le policier lui asséner : « Mère Nature est une salope, c’est la plus mauvaise mère de l’histoire de l’humanité ! Elle laissait crever neuf de ses enfants sur dix et s’en foutait éperdument. Dieu bénisse le Père Ambroisie. » Ambroisie est le nom que cette société de fiction donne à une énergie fossile bien connue.

La mine, dans Le Club des miracles relatifs, est une société déséquilibrée parce que terriblement masculine. Des milliers d’hommes mineurs pour une trentaine de femmes. Mais elle est à l’image de la société occidentale toute entière, où les femmes doivent désormais sacrifier leur féminité sur l’autel de leur vie professionnelle. « Sommées par le discours féministe ambiant, « universaliste », de n’avoir plus rien qui les distingue des hommes, elles s’acharnent à retrouver leur « ligne » tout de suite après l’accouchement, reprennent le travail « comme si de rien n’était », effacent l’événement. La maternité n’est plus une phase de la vie », explique Nancy Huston en 2012.

Le mot même de « nature » renvoie à la maternité puisqu’il est dérivé du latin nascere, naître. Jusqu’à récemment chez Nancy Huston (c’est très sensible dans La Virevolte, 1994), la maternité était le boulet attaché par son mari au pied d’un personnage féminin, l’assignant à rester dans la cuisine pour nourrir ses enfants. Ce n’était qu’en reniant ses devoirs maternels qu’une femme pouvait être libre. Les enfants asservissaient les femmes en les empêchant de se consacrer à l’art (à la danse par exemple, dans La Virevolte). L’écriture était donc  inévitablement féministe : un temps artistique gagné sur les devoirs maternels. À cette époque encore récente, Nancy Huston trouvait les écolos « gentiment ennuyeux », défendant l’image d’une Grande Mère dont elle voulait précisément se défaire, se libérer.

L’œuvre récente de Nancy Huston, et en particulier Le Club des miracles relatifs, s’oppose donc directement à son œuvre précédente. La maternité et la nature y sont des zones à défendre. Dans l’infirmerie de la mine, le héros et ses ami-e-s organisent un club, le Club des miracles relatifs, dont l’activité principale consiste à lire des poétesses russes… La mine est contaminée par la masculinité. On voudrait donc « décontaminer ces hommes en leur lisant des poèmes de Tsvetaïeva » (p. 229, lire de ces poèmes ici). Très ironiquement, la police prend ces poèmes pour un langage codé entre terroristes. Le récit consiste en l’interrogatoire et les souvenirs de l’un de ces terroristes poètes.

Autres lectures :

Actualitté

LaPresse, journal canadien

France culture

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