Chloé Delaume, Les Sorcières de la République (août 2016)

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En 2017 le Parti du Cercle, un parti féministe radical pratiquant la sorcellerie, remporte les présidentielles. Une vague de violence magique et vengeresse s’abat sur les hommes pour renverser des millénaires d’oppression des femmes. La violence est telle que trois ans plus tard, en 2020, le peuple français vote l’amnésie collective, le Grand Blanc : lobotomie pour tous, plus personne ne se souviendra de ce qui s’est passé.

En 2062 aura lieu le procès de la Sibylle, une ancienne conseillère du Parti du Cercle, la seule à se souvenir des événements du Grand Blanc. Elle raconte comment tout s’est produit. Les Sorcières de la République est cette dystopie féministe, située dans un avenir extrêmement proche (2017-2020, alors que souvent les dystopies tiennent au minimum un demi-siècle de distance). Elle a l’ambition de provoquer dans notre société un débat immédiat, urgent : en somme, la catastrophe nous pend au nez.

Le débat a lieu, depuis la parution des Sorcières de la République, et Chloé Delaume est entendue et interrogée sur pas mal de médias : des revues, des radios, des magazines, encore des radios. Elle y tient des propos féministes déjà suggérés par son livre. On voit qu’elle est intéressée à la fois par les nouveaux courants du mouvement des femmes venus des États-Unis et se développant en France grâce à l’Internet (un féminisme qui met l’accent plutôt sur les relations interpersonnelles entre les sexes que sur les structures économiques d’oppression), et par ce qui recoupe sa biographie familiale absolument ravagée, que les lectrices et lecteurs de Delaume connaissent bien, et qui lui font garder une rancune tenace contre les attendus de la cellule familiale. Ainsi dans le Parti du Cercle, il est catégoriquement défendu de parler de maternité ou d’accouchement, sujet considéré par les sorcières comme anti-féministe.

Comme lorsqu’elle travaille pour le site Arrêt sur images, Chloé Delaume propose donc cette rentrée littéraire une analyse de l’actualité, qui tente de concilier la prise en compte de l’actualité la plus récente et un point de vue qui prend plusieurs millénaires de distance pour les juger : le point de vue de la narratrice-prophétesse, la Sibylle de Cumes. Elle s’inscrit ainsi dans la tradition littéraire de la satire ; la mise en place de la narration est la même que dans la Satire Ménippée, un pamphlet pacifiste de la fin du XVIème siècle auquel cette lecture m’a beaucoup fait penser. Malheureusement, du fait des nombreuses allusions malicieuses à l’actualité immédiate, la Satire Ménippée est aujourd’hui une lecture hermétique et érudite ; on peut craindre le même sort pour Les Sorcières de la République.

D’autres avis :

Charybde, qui souligne l’aspect carnavalesque de la satire ;

Benzinemag, sensible au pessimisme social de Delaume ;

En attendant Nadeau

9 commentaires sur “Chloé Delaume, Les Sorcières de la République (août 2016)

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    1. Mon article est trop elliptique : en fait c’est Chloé Delaume qui considère que la maternité est une entrave à liberté des femmes, opinion qui s’explique assez bien par les drames qu’elle a vécu elle-même dans sa famille. Elle a eu un débat avec Nancy Huston sur le sujet récemment sur France Culture, Nancy Huston pense au contraire que la capacité à mettre au monde est une grande force des femmes. Merci de m’avoir donné l’occasion de préciser !

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