C’est le dernier Darrieussecq, rentrée littéraire 2017, succès annoncé. C’est une dystopie : ce genre est à la mode. Dans un futur possible, et angoissant, la narratrice agite les questions de bioéthique les plus éculées et les plus insolubles : clones, greffes, implants… Surtout, dans ce futur possible, et probable, les lecteurs sont tous devenus idiots : il faut donc leur parler dans un langage simple, et leur expliquer qui est Christophe Colomb, qui est Mozart. Un lecteur d’aujourd’hui est forcé, en lisant, de se sentir intelligent, par comparaison. Voilà le genre de flatteries qui sont censées nous rendre ce livre agréable.
Tout est là pour aboutir à un best-seller… mais pour ma part, rien ne m’y a semblé ne serait-ce qu’original, ou inhabituel. C’est de la science-fiction à l’ancienne, comme j’en lisais à douze ans dans les collections pour enfants. Le titre, Notre vie dans les forêts, est peut-être un clin d’œil discret à Thoreau : mais à part ça, rien ne rapproche l’admirable épopée intérieure de Thoreau et la ragougnasse orwellienne que nous sert Darrieussecq.
Écrivant ces lignes, je sors de quatre journées d’études à Metz et à Paris, du 26 au 29 janvier 2018, à propos de l’écriture « entre deux mondes » de Marie Darrieussecq. Dix-neuf chercheurs et chercheuses ont pris la parole à propos de l’écrivaine : rien de ce qui a été dit ne me semble justifier le moins du monde qu’elle soit étudiée plus massivement, ou plus à fond, que n’importe quel autre écrivaine de qualité aujourd’hui, par exemple Valentine Goby ou Lola Lafon, dont je n’ai jamais entendu dire qu’elles avaient fait l’objet de quatre jours consécutifs de colloque à l’université.
Les voies du succès littéraire sont impénétrables.
Il semble que la recette ait plu à une partie du grand public : voir les avis de Club de lectures, Master Éditions Strasbourg, Chronicroqueuse de livres, et Je lis et je raconte. Cependant, le côté vu et revu (done to death, disent les Américains) n’a pas dégoûté que moi, si l’on en croit Cannibales lecteurs, et Des Livres et Sharon.
Marie Darrieussecq, Notre vie dans les forêts, P.O.L., 2017, 189 p., 16€.
Il me semble que tu n’es pas le premier à dire ça sur cette autrice… Bon, il faudra bien que je la lise un jour. J’ai moins de références, peut-être que ça passera mieux, c’est peut-être d’ailleurs pour ça que le grand public l’a aimé, non ?
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Il y a un très gros lectorat francophone pour la SF et l’anticipation, et ces gens-là savent reconnaître quand un livre est seulement du réchauffé, même sans avoir fait des études de lettres…
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C’est pas faux… Mais s’il y a des gens un peu naïfs qui découvrent le genre comme moi, ils risquent de se laisser avoir… Mais tu as raison pour le reste !
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Eh bien ton billet a le mérite d’être clair. Je n’ai lu d’elle que Truismes que je n’ai pas du tout aimé, cela ne m’a pas incitée à lire ses autres oeuvres, d’autant qu’elle a été accusée à deux reprises de plagiat. Bref, je passe mon chemin.
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Oui, tout ce qu’elle a écrit de bien, elle l’a volé à Marie N’Diaye, ou à l’air du temps. C’est une imposture d’un bout à l’autre.
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Ton avis est très intéressant 🙂 C’est vrai que les avis sur Marie Darrieussecq sont mitigés… Je ne suis pas loin d’être d’accord sur certains points, d’ailleurs, même si j’ai aimé Truismes et Notre vie dans les forêts !
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Truismes était peut-être une bonne idée : mais dans Notre vie dans les forêts, il n’y a presque plus d’idée du tout… !
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Entièrement d’accord. Il m’est tombé des mains. Je n’ai même pas pris la peine de le critiquer du coup …
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Tu as bien fait de ne pas le chroniquer : mieux vaut dépenser son énergie à mettre en avant les livres qui le méritent, et j’ai été un peu puéril de publier ça… Mais ça m’énerve tellement de l’entendre louée partout !
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Pas du tout, je suis contente de trouver un avis qui comme tu le dis ne la « loue » pas. Si tu ne l’avais pas fait les avis seraient positivement unanimes 🙂
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