Aya Cissoko, N’ba (2016)

Rencontre Aya Cissoko avec lycéens

 Il y a des gens qui ont un talent, et d’autres qui semblent tous les réunir, que rien n’arrête. Aya Cissoko est boxeuse et écrivaine. Boxeuse et écrivaine ! Championne du monde de boxe française puis anglaise en 1999, 2003 et 2006, elle est publiée aux éditions Calmann-Lévi, l’éditeur de Marcel Proust.

La semaine dernière, j’évoquais le dernier roman de Scholastique Mukasonga, qui était entrée en littérature avec Inyenzi ou Les cafards en 2006, un récit autobiographique, puis avait publié, dans un deuxième temps, un portrait nuancé de sa mère, intitulé La femme aux pieds nus. Aya Cissoko semble suivre les mêmes étapes. Après l’autobiographique Danbé en 2011, elle publie ce mois-ci N’ba, « ma mère » en bambara.

La mère de Cissoko est bambara. Son père est malinké. L’autorité paternelle lui impose le patronyme malinké. Mais elle se sent bambara, héritière des bamanan, les hommes et les femmes libres du Mali, et ce roman est pour elle l’occasion d’établir sa véritable filiation, une filiation matrilinéaire.

En littérature, déjà, c’est un nom d’homme qui vient à l’esprit des lecteurs français lorsqu’ils pensent aux malinkés, depuis Les Soleils des indépendances, premier roman d’Ahmadou Kourouma (1968). L’autorité de Kourouma est écrasante : son roman est au fondement de la littérature post-coloniale. L’histoire familiale rejoint l’histoire littéraire et ainsi, chez Cissoko, les malinkés représentent les détenteurs de l’autorité masculine. Dès le premier chapitre, la narratrice-autrice doit lutter, contre les hommes malinkés qui ont apporté au Mali les rites de l’islam, pour obtenir le corps de sa mère à la morgue.

La mort de sa mère a commandé l’écriture de ce nouveau livre, un portrait à peu près chronologique, par courts chapitres successifs. Une collaboration avec l’association « Afrilangue » a permis à Cissoko de transcrire un grand nombre de phrases de sa mère en bambara dans son livre, et c’est en bambara que sont écrits les titres des chapitres. Même en ignorant le bambara, on retient du livre au moins un mot. En effet le portrait aboutit (p. 255) à définir un peu mieux une valeur cardinale des bambaras, intraduisible, une valeur que la mère rappelle sans cesse à ses enfant, et qui est devenue le titre du premier récit d’Aya Cissoko : le danbé. Dignité, force de caractère, combativité, volonté d’avancer, respect des traditions et volonté individuelle, tout cela à la fois constitue le danbé. On pourrait la traduire par un terme de boxe, par exemple « casser la distance » : confronter l’adversité au plus près. Le danbé est ce qui relie l’écriture et la boxe chez Aya Cissoko, qui justifie son engagement dans tous les domaines. Le danbé est aussi ce qui lui reste de sa filiation bambara. « Le danbé est un talisman immatériel transmis à celui qui sait écouter. »

4 commentaires sur “Aya Cissoko, N’ba (2016)

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  1. Ooooh super intéressant! L’histoire des différentes ethnies africaines est fascinante. Je ne m’y connais pas beaucoup, mais je me suis penchée sur l’histoire de la Mauritanie et des ethnies qui y vivent notamment les soninké et les poular. 🙂 Je note la référence du livre dans mes papiers!

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    1. Merci ! Je trouve aussi cela passionnant, je trouve que l’Histoire africaine est nettement trop peu enseignée à l’école. L’Empire malien faisait en son temps une plus grande taille que l’Empire napoléonien, pourtant à peine est-il cité dans nos manuels…

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