À lire Americanah, de Chimamanda Ngozi Adichie, on pouvait se demander s’il s’agissait d’un roman nigérian, ou bien seulement d’un roman américain mettant en scène une Nigériane. La question ne se pose plus avec Un Fils en or, de Shilpi Somaya Gowda, romancière canadienne née de parents indiens. De l’Inde, il ne reste guère que ce qu’on peut en voir depuis les États-Unis : l’ayurvéda, les naans et les mariages forcés.
Adichie et Gowda ont toutes les deux été formées et assimilées (« incorporated ») par l’université américaine (Eastern pour l’une, Chapel Hill pour l’autre). Leurs deux romans mettent en scène cette assimilation intellectuelle, doublée à chaque fois d’un amour impossible pour le ou la compatriote resté-e au pays. Pourtant l’héroïne noire et féministe d’Americanah, choisissant par engagement une vie au Nigéria, rend bien pâle le « fils en or » sans défaut, qui finira larme à l’œil et main sur le cœur aux premières notes de l’hymne américain, le jour de sa naturalisation.
Le roman de Gowda fait se succéder trois modèles esthétiques : la série TV, le conte, et le comic. Quand le héros, Anil, part faire un stage dans les urgences d’un hôpital américain, Gowda enchaîne tous les passages obligés de n’importe quelle série médicale (type Dr House). Son amour d’enfance, Leena, restée dans le Gujarat indien, est mariée de force, par ses parents, à un paysan dont la belle-famille lui fera vivre la vie misérable d’une Cendrillon, et elle échappe au triste sort d’une nouvelle femme de Barbe-Bleue. Jouissant des pouvoirs surnaturels que confère apparemment l’université aux USA (ainsi que de l’aisance naturelle du fils aîné, qui fait grincer des dents le lecteur durant les deux cent dernières pages), Anil revient quelques jours en Inde. Il sauve alors Leena-Cendrillon et envoie le méchant Barbe-Bleue en prison, très facilement.
Voilà pour la subtilité narrative. Quant au style, neutre la plupart du temps, il m’a fait penser parfois (par exemple dans la lettre-testament du père d’Anil) à une succession de phrases trouvées dans des paquets de Yogitea.
Ainsi, le choix de traduire et publier ce roman m’étonne de la part de l’édition du Mercure de France, qui a longtemps servi de refuge à une écriture exigeante et poétique. La couverture choisie pour ce livre, un jeune indien trouvé sur la banque de photos américano-saoudienne Getty Images, est une véritable violence faite à l’imagination du lecteur, désormais obligé d’imprimer au héros ces traits minces et avenants. Voilà peut-être ce qui arrive lorsque l’on confie une maison vieille de cinq siècles à sa propre sœur et co-actionnaire, comme l’a fait Antoine Gallimard avec l’Isabelle du même nom…
Ailleurs : les éditions Folio comptent sur ce roman pour obtenir un grand succès commercial et l’ont offert à nombre de blogueurs, dont Folavrilivre, Yuko, ou Latetedansleslivres.
Shilpi Somaya Gowda, Un Fils en or, traduit de l’anglais (USA) par Josette Chicheportiche, 544p., 8€.
Je ne suis étrangement pas motivée pour lire ce livre, je ne sais pas pourquoi. 😛
En attendant, tu me rappelles (parmi nombre d’autres blogueurs…) que Americanah n’attend que moi dans ma PAL…
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Ma mère même a lu Americanah et peut le recommander ! Ça avait quand même une tenue ce roman-là !
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une note de lecture sur le livre de Chimamanda Ngozi Adichie : Americanah
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2017/05/20/ciel-enfin/
cordialement
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