Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah (août 2016) [2013]

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C’est à la fois un roman d’amour qui traverse trois continents, et une véritable encyclopédie de près de 700 pages. On y apprend en effet tout ce qu’on peut savoir sur le quotidien et les parcours personnels et professionnels des Nigérian-e-s qui émigrent aux États-Unis et en Europe. Chimamanda Ngozi Adichie parvient à évoquer très naturellement, au fil du récit, la corruption et la pauvreté au Nigéria, la difficulté d’obtenir des visas pour l’Occident, les rafles policières de sans-papiers à Londres, la sous-représentation des Noir-e-s aux USA, jusqu’aux problèmes de qui souhaite se maquiller, se coiffer ou panser ses blessures avec des produits adéquats sans avoir la peau blanche et les cheveux lisses. En le lisant, j’ai pensé : Americanah est pour le Nigéria ce que Sourires de loup de Zadie Smith (2000) est pour la Jamaïque.

Adichie a tenu une conférence remarquée pour défendre la diversité des cultures dans la littérature anglophone. Elle dénonce l’hégémonie culturelle américaine, que montre bien son roman. Même les Nigérian-e-s ne lisent que des livres américains, qui tendent à uniformiser notre imaginaire. Americanah est donc une défense et illustration de la spécificité de la littérature nigériane. Le parcours de Chimamanda Adichie est un classique du rapport culturel entre Occident et anciennes colonies : comme Aimé Césaire pour les Antilles, comme Rabindranath Tagore pour l’Inde, elle s’est formée dans les universités américaines avant de revenir dans son pays où cet enseignement a pris un sens nouveau et anti-colonial.

Comme ses prédécesseurs, Adichie dénonce le racisme institutionnel, la chasse aux étrangers, la domination économique. Mais elle y ajoute tout ce qu’elle constate du racisme larvé, inavoué, silencieux, celui qui est plein de bonnes intentions et d’euphémismes pour ne pas voir la réalité en face. Elle décrit par exemple cette dame blanche qui parle de ses clientes en disant « une très belle femme », « une dame sublime » : « Les femmes dont elle parlait n’étaient pas toujours belles, mais elles étaient toujours noires ».

Je recommande cette somme de savoir à quiconque souhaiterait en apprendre plus sur les ressorts complexes de ce que l’Amérique appelle la « race » et qui ne devrait porter aucun autre nom que l’ignorance.

D’autres avis :

Télérama, qui dévoile un peu plus de l’intrigue

Des critiques sur le site d’Adichie

La Cause littéraire, enthousiaste

Sur la route de Jostein, « captivée » par les descriptions de la vie quotidienne d’une Noire aux USA

18 commentaires sur “Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah (août 2016) [2013]

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    1. Merci de ces conseils ! Qu’est-ce qui vous a fait préférer ces romans à Americanah ? Pour ma part j’ai trouvé dommage que les codes narratifs d’Adichie soient sensiblement les mêmes que ceux de la fiction américaine.

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  1. J’ai aimé ce livre, et l’ai offert à plusieurs reprises 😉
    Tout y est dans ce livre… l’émotion, l’Histoire avec un grand H.
    Une fresque sociale ample et sensible et une expérience de l’exil riche de rêves et de désillusions… et cet femme : j’ai adoré l’insolence d’Ifemelu, et sa volonté à toute épreuve

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  2. Il me tarde de le lire alors, elle avait déjà bien mis la barre haut avec Autour de ton cou, un recueil de nouvelles. Et quelque part, tant mieux que ça soit un grand succès ! Vu les thèmes abordés, ça ne peut qu’aider les gens à ouvrir les yeux sur des choses qui peuvent paraître normales. 🙂 (je m’inclus dedans, on a toujours à apprendre)

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